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Lot de briques (CP) |
CHAUFFOURNIER, CHAUSSONNIER, THUILIER, TUILIER ou MAITRE TUILIER : pendant au moins 150 ans, la famille LETORT a exploité trois des tuileries de Bracieux, soit six générations !
Jacques LETORT, qui a épousé
Marie MARIAU en 1639, est déjà tuilier lorsqu’il rachète la tuilerie de Candy.
Il la transmettra à son fils, prénommé Jacques, qui donnera à son tour le prénom Jacques à son fils, etc. Oui, quatre générations de tuiliers se nomment Jacques LETORT, et là, on ne compte pas les enfants nés Jacques LETORT et décédés en bas-âge. Les généalogistes ont du fil à retordre avec les LETORT : les fils se prénomment comme leur père ou un de leurs oncles, les
filles comme la mère ou les tantes. Et quand un enfant meurt en bas-âge, on
redonne son prénom au bébé suivant … pas facile de s’y retrouver ! On a
donc de très nombreux : Jacques, Pierre, Simon, Etienne et Jean LETORT
tout comme les Marie ou Madeleine LETORT !
Les couples LETORT ont eu de nombreux enfants qui ne sont pas représentés dans la généalogie ci-dessus. Mais, sur les 7 générations représentées, figurent en rouge tous les tuiliers identifiés, c'est dire la spécialité familiale !
MAIS OU ETAIT LA TUILERIE LETORT A BRACIEUX, OU PLUTÔT LES TUILERIES ?
Bracieux réunit toutes les conditions nécessaires à l'installation de tuileries : argile, bois, eau, main d'oeuvre et voies d'accès. Il n'est donc pas étonnant d'en retrouver dans le bourg, tout comme dans de nombreux villages de Sologne. Joël Lépine raconte dans
Les briqueteries-tuileries de Sologne (1), qu'il y eut au moins cinq tuileries-briqueteries à Bracieux :
- deux établissements dans le quartier des Tanneries
et du Gué Renard
- un établissement, près des ponts de la Bonnheure
(aujourd’hui rue René Masson)
- deux établissements rue de Candy.
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Localisation des tuileries en activité au XIXe sur le cadastre napoléonien |
La Tuilerie de Bel-Air, berceau des LETORT
En 1723, elle comporte « deux fours a faire cuire briques thuiles
careaux et chaux, un grand bastiment servant à fabriquer la dite thuile proche
les dits fours, un autre grand bastiment proche celui cy dessus, composé de
deux chambres a feu, une autre chambre servant d’écurie, le tout couvert a
thuile, cour entre les dites chambres et les dits bastiments servant a
fabriquer la dite thuile, un puits a eau dans la dite cour, un jardin derrière
les dites chambres et joignant à l’autre bastiment avec les places cy dessus
joignant les dits bastiments […] et generalement tout ce qui depend de la dite
thuilerie et maison assize en ce bourg de Bracieux proche de Candy autrement la
Chaumette, les dites chambres ouvrant sur la route qui conduit d’Herbault au
champs Jobert »
Jacques LETORT, dit l’Aisné,
prendra la suite de son père Jacques, à la Tuilerie de Candy. Il
réussit d'ailleurs à placer trois de ses fils dans des tuileries à Bracieux : Etienne
reprendra la tuilerie paternelle, Jean un établissement dans le quartier des Tanneries/Gué
Renard et Jacques la tuilerie de la Bonheure.
Les Tuileries des Tanneries/Gué Renard
Les deux tuileries des Tanneries/Gué
Renard étaient déjà en exploitation au XVIIe. L’une d’elle fournit d’ailleurs
plusieurs lots de briques ainsi que des poinçons de chaux, à Raymond Phelipeaux pour la construction de la
basse-cour du château d’Herbault en 1616.
L'une des deux a été exploitée par Jean
LETORT marié à Magdeleine LEVESQUE. Ils auront 15 enfants avant que Magdeleine ne meurt en couches à 41 ans ...
La tuilerie est reprise par le fils Simon jusqu’à ce qu'il s'installe à à Mont [près-Chambord] comme « chaussonnier » (= tuilier) en 1742. La tuilerie cessera probablement son activité à cette période.
La tuilerie est reprise par le fils Simon jusqu’à ce qu'il s'installe à à Mont [près-Chambord] comme « chaussonnier » (= tuilier) en 1742. La tuilerie cessera probablement son activité à cette période.
La tuilerie appartient aux LETORT
au début du XVIIIe siècle, elle passe ensuite de main en main au gré des
héritages.
Elle revient dans le giron LETORT en 1824 lorsque Pierre DORNEAU et son épouse Madeleine, née LETORT, la rachète. Leur adresse est "La Tuillerie, près des ponts La Bonheure", comme l'indique un acte de la fabrique de 1833.
La tuilerie sera revendue quelques années plus tard.
Elle revient dans le giron LETORT en 1824 lorsque Pierre DORNEAU et son épouse Madeleine, née LETORT, la rachète. Leur adresse est "La Tuillerie, près des ponts La Bonheure", comme l'indique un acte de la fabrique de 1833.
La tuilerie sera revendue quelques années plus tard.
La Tuilerie rue de Candy
Elle a
été construite en 1830 par les frères BOURDIN, sur un terrain situé initialement sur la commune de Neuvy, pas très loin de la tuilerie de Bel-Air.
Dernière tuilerie à fonctionner à Bracieux, elle ne semble pas avoir été
dirigée par la famille LETORT.
LE TRAVAIL DE TUILIER
La tuilerie est exploitée en
famille, avec l’aide des enfants le plus souvent et parfois d’ouvriers. L’exploitation
n’est pas continue sur l’année ; tributaire de la météo, la production
fonctionne le plus souvent d’avril à octobre.
1. Extraction
de la terre
Le tuilier est parfois propriétaire de sa carrière d'argile mais il peut aussi la louer. A Bracieux, au fil des actes notariés,
plusieurs "carrières" sont évoquées :
- le long du chemin de la Marmouchère, des quartiers de terrains situés à Tour[en-Sologne] en 1742, d’où on tirait la terre,
- « une pièce de terre sise sur le chemin de Bracieux à Fontaines » où le tuilier de Candy « sera libre d’y prendre la terre nécessaire à la fabrication de la tuile qu’ils feront cuire au fourneau … à l’expiration [du bail] ils seront tenus de recombler les trous ouverts pour la fouille de la dite terre » (1830).
Un témoignage évoque également des terrains le long de l’actuelle rue du Tranchet.
- le long du chemin de la Marmouchère, des quartiers de terrains situés à Tour[en-Sologne] en 1742, d’où on tirait la terre,
- « une pièce de terre sise sur le chemin de Bracieux à Fontaines » où le tuilier de Candy « sera libre d’y prendre la terre nécessaire à la fabrication de la tuile qu’ils feront cuire au fourneau … à l’expiration [du bail] ils seront tenus de recombler les trous ouverts pour la fouille de la dite terre » (1830).
Un témoignage évoque également des terrains le long de l’actuelle rue du Tranchet.
2. Pétrissage,
malaxage
L’argile extraite de la terre est
livrée à la tuilerie. Elle est alors mélangée avec de l’eau, dans une fosse et
malaxée pour obtenir une pâte homogène. Ce pétrissage est effectué au pied,
d’où le nom de marche donnée à la
fosse. Les pieds nus permettent de sentir les impuretés (cailloux, racines, ..)
et les supprimer. Les ouvriers employés s’appellent aussi des marcheurs.
3. Moulage
et séchage
Le tuilier utilise des moules en
bois ou en fer, de différentes tailles, dans lesquelles est pressée l’argile.
C’est à ce moment qu’on estampille éventuellement la brique pour marquer le nom
de la briqueterie. Les briques sont mises à sécher dans un hangar ou loge, à l’abri des intempéries et du
soleil.
Question aux collectionneurs : existe-t-il encore des briques estampillées LETORT de Bracieux ?
4. Cuisson
Une importante quantité de
briques est mise à cuire pendant des heures ou même plusieurs jours. Les
ouvriers doivent entretenir le feu et l’alimenter en bois en permanence.
On produit à Bracieux des
briques, des tuiles, des carreaux, des miches
(grande brique) et des noittes (tuile
concave), des carreaux, de la chaux, mais le four peut aussi servir à bien d'autres choses. Ainsi en 1730, lorsque l’église de
Bracieux a décidé de se doter d’une nouvelle cloche, c’est l’un des fours de la Tuilerie de Bel-Air qui a été utilisé. La cloche LOUISE, beau bébé de 465 livres, est donc née « dans les bras »
des LETORT. Lire l' article Histoire de cloches : Sol, si, ré !
XIXe : LES DERNIERS TUILIERS
Dans
la 1ère moitié du XIXe siècle, on ne compte plus que trois tuileries en
activité : Bel Air, La Bonheure et celle de la rue de Candy.
Que deviennent les LETORT ? Marie-Madeleine
LETORT a exercé le métier pendant une quinzaine d’années aux côtés de son mari
(et cousin germain) Denis LETORT. Au décès de ce dernier en 1820, elle épouse
Pierre DORNEAU et poursuit l’activité, dans les deux tuileries de Bel Air et de la
Bonnheure avec son fils.
Dans le recensement de 1831, huit Braciliens se
déclarent tuiliers, parmi lesquels : Jacques François Aguenier, 43 ans, et son fils François Aguenier, 17 ans, Jean Bonnin, 40 ans, Pierre Ricou, 37 ans, François Bourdin, 33 ans et son frère Etienne 29
ans et bien sûr Pierre Dorneau,
64 ans et son beau-fils Sylvain-Denis Letort
16 ans.
Appelée la « tuilière
rentière », Marie-Madeleine LETORT meurt en 1862 à 88 ans. A cette date
le dernier tuilier de la famille, Denis LETORT, n’exploite déjà plus la tuilerie,
il se présente comme propriétaire.
Dans le recensement de 1886, on compte encore sept tuiliers à Bracieux, qui travaillent dans l'une des deux tuileries encore en activité, la Bonnheure et rue de Candy, mais plus
aucun LETORT...En
1888, Modeste Denis LETORT, fils du précédent Denis LETORT, est élu maire de Bracieux :
c’en est fini de la lignée de tuiliers. L’activité des tuileries de Bracieux
s’arrêtera avec la guerre de 1914-1918.
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1892 Signature de Denis LETORT maire |
Sources :
-
(1) Les briqueteries-tuileries de Sologne, Bulletin du
GRAHS, 2012
- Archives départementales du Loir-et-Cher en
ligne : registres paroissiaux, recensement de population
-
Archives municipales : recensements de
population, listes électorales, cadastre napoléonien, documents de la fabrique.
http://www.perche-gouet.net/genealogie/mariages.phphttp://vie.dargile.perso.infonie.fr/services.htm
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