- Quelle baraque ?
- La baraque de Bracieux !
- Ah oui, la salle des fêtes ?
- Justement, tu penses, les grandes villes ont
leur casino, fallait bien que Bracieux ait le sien aussi. Seulement, comprends-tu, l'édifice est en rapport avec les moyens dont on dispose, c'est ce qui
t'explique que la salle des fêtes de Bracieux est une baraque en planches !
- Moi, je t'avoue que la première fois que j'ai vu
ça se monter sur le champs de foire, j'ai cru qu'on faisait un abri pour . . .
. .
- Farceur va ! Mais c'est une trouvaille, cette
baraque. D'abord, d'après les conventions à c'qui paraît, elle deviendra dans
25 ans, si elle n'est pas pourrie, la propriété de la Ville de Bracieux et cela
au-to-ma-ti-que-ment.
- Çà c'est un riche cadeau !
- Ensuite l'emplacement est épatant. Y'avait sur
le champ de foire des platanes séculaires, magnifiques ! Mais ces arbres là, en
été, ça donnait de l'ombre, comprends tu, on a jugé que la baraque ferait bien
mieux et on abattu les platanes : tu vois le coup d'œil à présent...
- Mais pourquoi qu'elle n'est pas peinte ?
- Le projet primitif était justement de peindre les
arbres dessus, comprends – tu, pour remplacer les platanes. Seulement la
peinture c'est cher aujourd'hui, et puis on n'a pas encore trouvé d'artiste mais c'est pas encore ça le plus chic. Y a autre
chose. Voilà . . . cette baraque, c'est comme qui dirai un enfant illégitime, comprends-tu ?
- Mais non, je ne comprends pas du tout ?
- Dame y a des mauvaises langues partout ! paraîtrait que cette baraque serait fille d'une espèce de comité. Elle a été mise au monde
on ne sait trop comment . . . même que la justice va être obligée de se
prononcer sur la paternité. Bref, je le répète c'est un enfant illégitime à ce
qu'on dit, cette baraque.
- Elle a tout de même envie de vivre !
- Ah ça c'est une autre affaire ! Pour moi, comprends-tu, c'est bien joli d'avoir un bâtiment comme ça pour embellir la Ville de
Bracieux, c'est une curiosité pour attirer les touristes, seulement ... quand on a
un enfant semblable à nourrir on ne dort pas toutes les nuits !"
Ecrit par un voyageur en février 1922
Merci à D. Desroches pour avoir transmis ce document à D.E.