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LE SOLOGNOT


Le Solognot est de taille moyenne ; sa poitrine est serrée et son ventre saillant, ses muscles sont pauvres et sans énergie, et ses viscères sont d’une ampleur démesurée, il a presque la panse des ruminants ...

La description de Félix Pyat ne date que du milieu du XIXe siècle: ce portrait acéré d'un compatriote a-t-il choqué, quel était l'objectif de l'homme politique ?








Extraits du livre LES FRANÇAIS PEINTS PAR EUX-MÊMES, ENCYCLOPEDIE MORALE DU DIX-NEUVIEME SIECLE (Tome second), L. CURMER EDITEUR, 1841

LE SOLOGNOT, par Félix Pyat (né en 1810 à Vierzon, mort en 1889) avocat, journaliste, auteur dramatique et député du Cher.


Il y a en France une grande partie de territoire ... bornée … par le Nivernais et la Touraine… par la Beauce et le Berry, nommée la Sologne. Elle se trouve entre ces provinces fertiles, au milieu de ces immenses plaines de verdure comme une oasis de stérilité, comme le contraste du mal à côté du bien, du pauvre à côté du riche. C’est la Sibérie française. On pourrait condamner un Parisien à la Sologne ; et le gouvernement, qui cherche au-delà des mers un lieu de déportation pour se débarrasser des condamnés politiques, n’a qu’à les envoyer dans ce désert, à trente lieues de Paris seulement, là où la terre … est du sable, où l’air est un miasme, l’eau une mare, où enfin la longévité est impossible.

Telle terre, tels hommes… et la Sologne, sol desséché, sol de bois, solum ligneum, comme l’ont appelé nos pères, sans doute à cause de sa dureté, produit une population chétive et triste comme sa végétation.

Il n’y a guère que des paysans en Sologne ; car cette province est si pauvre, qu’elle compte à peine une ville. Nous n’avons donc pas beaucoup à nous occuper du bourgeois solognot, maître rebondi de toute la maigreur du fermier, recevant et gardant ses revenus avec une économie de fourmi ; rentier, c’est-à-dire oisif toute la semaine, excepté le jour de foire, où il devient maquignon, c’est-à-dire voleur ; où, à l’aide de ses capitaux … il vend et achète au prix qui lui convient. Ce jour-là, pour se débarrasser d’un mouton malingre, ou pour acquérir une bonne vache, le bourgeois de Sologne fait plus de serments, commet plus de parjures, combine plus de roueries qu’un négociant de Paris ou Londres qui traite d’une affaire européenne. Il faut le voir ce jour-là, le chapeau recouvert d’une toile cirée, une main passée dans la bride de son petit cheval, et l’autre sur son grave abdomen, le corps enveloppé d’un carrick, et les jambes munies de guêtres en guise de bottes … Entremêlez cette existence d’un peu de chasse, de beaucoup de dîners compliqués d’indigestions et de fièvres tierces, et vous aurez tout le bourgeois solognot.

Le Solognot est de taille moyenne ; sa poitrine est serrée et son ventre saillant, ses muscles sont pauvres et sans énergie, et ses viscères sont d’une ampleur démesurée, il a presque la panse des ruminants ; il se ride de bonne heure, son teint est de safran, son œil incolore, ses jambes grêles et ses bras réduits aboutissent à de gros pieds, à de grosses mains. La tête est petite. Il n’a donc ni vigueur physique, ni puissance intellectuelle ; en lui, la jeunesse est sans fleur, la virilité sans force, la mort sans vieillesse… il se contente, pour son meilleur repas, d’une nourriture inouïe, d’un brouet plus que spartiate, dont le goût, la couleur et l’odeur sont horribles, comme le nom. C’est un mélange de ce pain noir … avec de l’eau et du miel rance, qui fermente toute la matinée et que l’on sert dès qu’il tourne un peu à l’aigre : cela s’appelle de la miaussée ; les chiens d’un riche mourraient de faim à côté. La miaussée se sert dans d’immenses terrines continuellement assiégées par des myriades de mouches qu’attire le miel ; elle se consomme surtout en été, sous prétexte que son acidité rafraîchit. Le Solognot mange souvent et longtemps... avec un tel aliment, …il se gorge de cette pâtée sans suc, qui le remplit et le charge sans le nourrir, qui grossit son ventre aux dépens de ses muscles, lui donne cette exagération d’entrailles, que nous avons dénoncée comme un des signes caractéristiques du type et qui fait surnommer en Berry, le Solognot, ventre pelé.


Le moral du Solognot correspond à son physique … Aussi le Solognot, inerte et débile dans ses membres, manque-t-il d’activité et de souplesse dans l’intelligence. ..

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